Bunker Archeology
by Paul Virilio (1958)
by Paul Virilio (1958)
Phénomènes d'un moment dramatique de l'histoire contemporaine, dix mille monuments disparaissent. Dépouillés de leurs fonctions, échappés au contexte de l'actualité, ces ouvrages laissent deviner en eux la présence d'une signification inconnue.
Par une démarche d'archéologue, j'ai cherché dans cet univers souterrain l'une des figures secrètes de notre temps.
Le plan du blockhaus rappelle étrangement celui des temples aztèques, sa dissimulation l'apparente aussi aux mastabas, aux nécropoles étrusques, mais ce qui dans la forme pyramidale ou circulaire des monuments anciens évoquait un signé sacré, une image cosmique, est ici implicite comme involontaire.
La géométrie n'est plus aussi affirmative, elle est érodée, usée. L'angle n'est plus droit, mais déprimé, pour échapper à toute saisie, la masse n'est plus fondée dans le sol, mais centrée en elle même, indépendante, capable de mouvement et d'articulation. Cette architecture flotte à la surface d'une terre qui a perdu de sa matérialité. En approchant sur une plage d'un de ces monolithes, il m'apparaît d'une manière presque animale, carcasse vide, abandonnée, basculée, dans le sable, comme la mue d'une espèce disparue. Lorsque j'y pénètre, une pesanteur singulière m'oppresse, l'épaisseur des parois m'est sensible, c'est une seconde enveloppe physiologique, amplifiant certains sens, protégeant les mouvements. Ici, pas de fenêtres pour éclairer l'intérieur, l'embrasure n'éclaire que l'extérieur, mais avec la précision d'un phare.
Dans cet appareil à survivre, la vie n'est pas neutre. C'est un effort pour devenir plus subtil, plus essentiel.
Vestiges banals, ces ouvrages ont pris la simple consistance de talus que seule la difficulté de démolition protège encore. Etonnants exemples de cécité d'une époque sur elle même, ces travaux primitifs annonçant une nouvelle architecture fondée non plus sur les proportions physiques de l'homme, mais sur ses facultés psychiques, un urbanisme où l'analyse élémentaire de la réalité sociale enfin dépassé, l'habitat pourrait se combiner intimement aux possibilités secrètes des individus.
I don't really have time to translate the entire text (if somebody would like to do it...I'll take it !) so I'll just translate one interesting paragraph:
This geometry is not anymore that affirmative [compared to mastabas], it is eroded, shabby. Angle is not anymore right, but depressed, to escape from any capture, mass is not anymore founded in the ground, but centred to itself, independent, able to movement and articulation. This architecture floats at the surface of an earth which has lost its materiality. Approaching on a beach to one of these monoliths, it appears to me almost as an animal, empty carcass, abandoned, shift in the sand like a disappeared specie’s slough. When I penetrate into it, a singular heaviness oppresses me, walls’ thickness acts on me, it is a second physiological skin, increasing some senses, protecting movements. Here, no windows to light the inside, threshold only light the outside, but with a light house’s precision.
Par une démarche d'archéologue, j'ai cherché dans cet univers souterrain l'une des figures secrètes de notre temps.
Le plan du blockhaus rappelle étrangement celui des temples aztèques, sa dissimulation l'apparente aussi aux mastabas, aux nécropoles étrusques, mais ce qui dans la forme pyramidale ou circulaire des monuments anciens évoquait un signé sacré, une image cosmique, est ici implicite comme involontaire.
La géométrie n'est plus aussi affirmative, elle est érodée, usée. L'angle n'est plus droit, mais déprimé, pour échapper à toute saisie, la masse n'est plus fondée dans le sol, mais centrée en elle même, indépendante, capable de mouvement et d'articulation. Cette architecture flotte à la surface d'une terre qui a perdu de sa matérialité. En approchant sur une plage d'un de ces monolithes, il m'apparaît d'une manière presque animale, carcasse vide, abandonnée, basculée, dans le sable, comme la mue d'une espèce disparue. Lorsque j'y pénètre, une pesanteur singulière m'oppresse, l'épaisseur des parois m'est sensible, c'est une seconde enveloppe physiologique, amplifiant certains sens, protégeant les mouvements. Ici, pas de fenêtres pour éclairer l'intérieur, l'embrasure n'éclaire que l'extérieur, mais avec la précision d'un phare.
Dans cet appareil à survivre, la vie n'est pas neutre. C'est un effort pour devenir plus subtil, plus essentiel.
Vestiges banals, ces ouvrages ont pris la simple consistance de talus que seule la difficulté de démolition protège encore. Etonnants exemples de cécité d'une époque sur elle même, ces travaux primitifs annonçant une nouvelle architecture fondée non plus sur les proportions physiques de l'homme, mais sur ses facultés psychiques, un urbanisme où l'analyse élémentaire de la réalité sociale enfin dépassé, l'habitat pourrait se combiner intimement aux possibilités secrètes des individus.
I don't really have time to translate the entire text (if somebody would like to do it...I'll take it !) so I'll just translate one interesting paragraph:
This geometry is not anymore that affirmative [compared to mastabas], it is eroded, shabby. Angle is not anymore right, but depressed, to escape from any capture, mass is not anymore founded in the ground, but centred to itself, independent, able to movement and articulation. This architecture floats at the surface of an earth which has lost its materiality. Approaching on a beach to one of these monoliths, it appears to me almost as an animal, empty carcass, abandoned, shift in the sand like a disappeared specie’s slough. When I penetrate into it, a singular heaviness oppresses me, walls’ thickness acts on me, it is a second physiological skin, increasing some senses, protecting movements. Here, no windows to light the inside, threshold only light the outside, but with a light house’s precision.
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